Les
forêts du globe malades
du réchauffement climatique
«
Celles-ci
souffrent depuis quelques années de la fragmentation et de la
dégradation provoquées par une déforestation massive, au profit
notamment des plantations de soja et de palmiers à huile »
Les
forêts du monde ont survécu à d’importants changements climatiques
par le passé. Mais elles doivent aujourd’hui faire face à des
bouleversements trop rapides pour que leur processus d’adaptation suive
le rythme.
C’est le constat alarmant que dressent
des scientifiques,
dans un numéro spécial de la revue Science consacré à la santé des
forêts et publié en août dernier. Une série de six articles, signés par
une vingtaine d’auteurs de huit pays, passent en revue les menaces que
fait peser, sur les terres boisées, le changement global lié aux
activités humaines. A commencer par le réchauffement
climatique.
Certes, sur le long terme, les forêts se
montreront probablement
résilientes aux rapides changements climatiques et environnementaux
d’origine anthropique, soit sous leur forme actuelle, soit sous une
nouvelle forme. Mais à court et moyen termes, les ruptures risquent
d’être radicales. L’alerte prend d’autant plus de poids que le panorama
englobe l’ensemble des surfaces sylvestres de la planète, qui couvrent
près de 4 milliards d’hectares, soit 30 % de la superficie des terres
émergées.
S’agissant des forêts tropicales, qui
représentent plus de la moitié du
patrimoine boisé mondial et le principal foyer de biodiversité,
celles-ci souffrent depuis quelques années de la fragmentation et la
dégradation provoquées par une déforestation massive, au profit
notamment des plantations de soja, du palmier à huile et de toute autre
forme d’exploitation illégale.
Les effets du changement climatique sur
cette végétation luxuriante, qui forme le premier puits de carbone
terrestre de la planète, sont controversés. Certains travaux ont
suggéré que la hausse des températures attendue à la fin du siècle sur
cette immense zone tropicale (de 2 à 9 °C selon les scénarios),
entraînerait des sécheresses plus sévères.
Cependant, ces sécheresses
n’empêcheraient pas les arbres de se développer et de stocker autant ou
même davantage de carbone, leur croissance étant stimulée par la plus
forte teneur de l’atmosphère en CO2, donc par une photosynthèse plus
active.
Selon l'Organisation des
Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (Food and Agriculture Organization),
les terres boisées
sont à la base de la subsistance de plus d’un milliard de
personnes.
Dans son dernier rapport sur la
situation des forêts du monde,
l’organisme onusien notait que le secteur forestier structuré emploie
13 millions de personnes et le secteur forestier informel au moins 41
millions. Dans beaucoup de pays en développement, notamment en Afrique
centrale, le bois est la principale source d’énergie et 2,4 milliards
d’individus, 40 % de la population des pays les moins développés,
l’utilisent pour la cuisson de leurs aliments.
C’est aussi le matériau
de base des logements de 1,3 milliard de personnes auquel s’ajoutent
des services éco systémiques difficilement chiffrables mais cruciaux.
Les forêts, qui recèlent plus de 80 % de la biodiversité terrestre,
protègent aussi les bassins versants et donc les ressources en eau.
Elles jouent encore un rôle central dans la régulation du climat et
dans le stockage du carbone, la végétation terrestre absorbant
globalement un quart des émissions humaines de CO2.
Face à ces enjeux, les scientifiques
prônent le renforcement du suivi
de l’état des peuplements sylvestres pour identifier les plus
vulnérables, définir des seuils pouvant conduire à un déclin rapide,
adapter les modes de gestion et mettre en œuvre un développement
économique sans destruction.
Les données issues des observations
satellitaires sont précieuses,
mais elles doivent être encore être affinées, car elles sont
indispensables pour sensibiliser les Etats à la nécessité d’une
politique globale des forêts.
Constantin Yap
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